Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain

Écho du RAAMM du 20 mars 2023

20 mars 2023
Photo de Daniel Roy

L’infolettre des membres et alliés du RAAMM.

Découvrez les dernières nouvelles du RAAMM, des activités enrichissantes auxquelles vous êtes invités à participer, des occasions de vous impliquer, l’actualité sur la déficience visuelle dans les médias, et plus encore!

 

Sommaire

 

1. De nouveaux développements pour la conférence L’ABC de l’accessibilité du Web

Le RAAMM a entrepris une tâche d’envergure : celle de contribuer à rendre le Web accessible à tous, y compris les personnes qui utilisent un lecteur d’écran ou qui ont une basse vision. Pour ce faire, un moyen particulièrement prometteur est la conscientisation et la formation des professionnels du Web.

La conférence L’ABC de l’accessibilité du Web s’est avérée un outil efficace pour faire un survol des besoins des différentes clientèles en situation de handicap, promouvoir les pratiques d’accessibilité, et fournir des pistes de solutions concrètes. La portée de cette conférence a grandement évolué au courant de la dernière année.

Une douzaine de présentations

D’avril 2022 à mars 2023, le RAAMM aura présenté sa conférence une douzaine de fois. Cela représente plus de 360 participants. Parmi eux, on compte à la fois des étudiants issus du Collège Maisonneuve, du Cégep de Granby et du Cégep Édouard-Montpetit, et des employés et professionnels du Web de la Ville de Rimouski, la Caisse Desjardins, Republik et Intact Assurances. Les prochaines présentations sont prévues d’ici la fin mars à la Polytechnique de Montréal et au Cégep de Ste-Foy. C’est toute une relève qui est sensibilisée aux bonnes pratiques d’accessibilité numérique!

Deux nouveaux conférenciers

Jusqu’à tout récemment, la conférence était donnée exclusivement par Ysabelle Morin, membre du RAAMM, avec l’appui d’Émilie Viau, coordonnatrice des services en accessibilité numérique du RAAMM, qui elle, couvrait les aspects plus techniques de la présentation. Avec la demande grandissante, nous avons voulu élargir notre équipe et nous avons donc formé deux autres membres du RAAMM : Anne Jarry et André Vincent. Ces derniers ont eu le plaisir d’entamer leur participation lors de la Semaine de la canne blanche.

On peut dire que la conférence L’ABC de l’accessibilité du Web a le vent dans les voiles!

 

2. Appel de participants pour une évaluation effectuée par des étudiants en orientation et mobilité

L’École d’Optométrie de l’Université de Montréal est à la recherche de participants ayant une basse vision afin de faire une évaluation effectuée par les étudiants en orientation et mobilité. Il s’agit d’une belle occasion d’encourager la relève et de l’appuyer dans sa formation!

L’évaluation aura lieu le mercredi 12 avril entre 9h00 et 16h00. Dans le cadre de leur cours Évaluation en orientation et mobilité, les étudiants doivent effectuer une évaluation avec une personne ayant des limitations visuelles.

L’évaluation comprend un entretien, une évaluation de vision fonctionnelle ainsi qu’une évaluation des déplacements. La durée de l’évaluation est estimée à 2 heures. Le professeur en orientation et mobilité sera présent tout au long des évaluations. Toutes les mesures sanitaires seront suivies pendant toute la durée de l’évaluation.

L’entretien se fera dans un local de l’École d’Optométrie à l’Université de Montréal, au 3744 rue Jean Brillant, à Montréal. Les autres parties de l’évaluation auront lieu dans les couloirs de l’établissement ainsi que dans les rues à proximité de l’École d’Optométrie. Les étudiants vont mesurer les capacités de déplacement chez le participant (détection d’obstacles, lecture de signalisation, traversée des rues, éblouissement, etc.). L’évaluation de la vision fonctionnelle pourrait inclure l’utilisation d’aides optométriques pour mesurer les champs visuels, l’acuité visuelle, etc.

Le but des évaluations est d’améliorer la pratique des nouveaux étudiants en orientation et mobilité, et leur permettre de mieux comprendre la réalité de personnes ayant une basse vision. Puisque les étudiants n’ont pas complété leurs études, aucune recommandation d’aide à la mobilité ni interventions ne seront effectués après l’évaluation. Toutefois, les participants auront accès aux résultats lorsqu’ils communiqueront avec les étudiants.

Les personnes intéressées sont invitées à communiquer avec Joe Nemargut à [email protected] ou au 514 343-2498 poste 4814. Joe Nemargut communiquera avec chacune des personnes intéressées afin de planifier l’heure de l’évaluation.

 

3. Pour une signalisation piétonne globale et intégrée

Les passages pour piétons existaient déjà il y a plus de 2000 ans, comme en témoignent les ruines de Pompéi.

PAR YVES-MARIE LEFEBVRE, PIÉTON NON VOYANT

Les premiers feux de circulation, alimentés au gaz, sont apparus en Angleterre au XIXe siècle. C’est en 1914, aux États-Unis, qu’apparaîtront les premiers feux de signalisation fonctionnant à l’électricité. Ceux-ci sont bicolores avec déjà les couleurs rouge et vert pour interdire ou autoriser le passage. Étonnamment, ces feux étaient sonores, non pas pour permettre aux personnes aveugles ou malvoyantes de traverser la rue en sécurité, mais plutôt pour alerter les automobilistes encore peu habitués à la nouvelle signalisation lumineuse. Depuis, de nombreux changements dans la conception et la signalisation routière sont survenus, qui misent aujourd’hui davantage sur la sécurisation des piétons.

De plus en plus, des feux piétonniers permettent aux piétons de commencer à traverser la rue avant que les conducteurs de véhicules ne reçoivent un signal vert, ce qui permet d’accentuer la visibilité des piétons tout en renforçant leur priorité sur les automobilistes. Cette stratégie de circulation permet donc de mieux contrôler le comportement des automobilistes face aux piétons. Bien qu’elle soit plus avantageuse pour les piétons âgés ou à mobilité réduite, elle peut néanmoins prêter à confusion et créer une ambiguïté pour les piétons non voyants en raison de l’absence d’indice sonore pour traverser au même moment que les piétons voyants.

Disponibles depuis de nombreuses années, mais encore trop peu intégrés aux aménagements piétonniers, les feux sonores sont des dispositifs qui communiquent des informations sur la synchronisation des signaux pour piétons dans des formats non visuels. De nombreuses études soutiennent que ces feux améliorent indéniablement la traversée pour les piétons aveugles, et elles ont démontré aussi que les piétons voyants commencent également à traverser plus rapidement la rue. D’autres recherches ont constaté que les informations transmises par les signaux sonores augmentent l’attention de tous les usagers de la route et peuvent contribuer à réduire les conflits piétons-véhicules et les collisions aux intersections.

Actuellement, les normes de signalisation routière du Québec en matière de feux sonores ne respectent pas les fondements de l’accessibilité universelle et négligent aussi les principes de l’inclusion qui favorisent l’aménagement de parcours sans obstacle pour toutes et tous.

Pourtant, la politique gouvernementale À part entière préconise l’approche inclusive, qui suppose de prévoir, dès la conception, un environnement qui tient compte des besoins de l’ensemble de la population, y compris des personnes handicapées. Selon cette approche, ce n’est pas aux personnes de s’adapter à des environnements qui ne sont pas conçus pour elles, mais plutôt à la société de tenir compte de la diversité des citoyens qui la composent.

Étant donné que de plus en plus de traverses à de nombreux carrefours sont dotées d’un signal lumineux pour les uns et parfois d’un signal sonore pour les autres, ne serait-il pas opportun d’établir une signalisation piétonne qui, tant dans sa conception que dans sa signification, soit sans équivoque pour tous les usagers de la route ?

Que se soit un feu de circulation, un feu piéton ou encore un signal sonore, la signalisation routière est un outil de communication essentiel avec tous les usagers de la route. Elle doit être conçue et installée de manière à aider les usagers tout au long de leurs parcours en leur évitant hésitations et fausses manœuvres.

La signalisation doit permettre aux usagers d’anticiper les dangers et leur servir de guide en leur indiquant la route à suivre.

Plusieurs municipalités se sont engagées à rendre les lieux et espaces publics universellement accessibles et certaines ont même exprimé la volonté d’assumer un leadership concernant la sécurisation des piétons. Cependant, malgré leurs obligations légales et les orientations gouvernementales du Québec, aucune d’entre elles n’a, à notre connaissance, de plan d’action à l’égard de la sécurisation des traverses pour les piétons non voyants.

À l’issue de la consultation publique « La traversée des rues : mesures d’accessibilité universelle et mobilité active », la Ville de Montréal osera-t-elle se doter d’une signalisation piétonne intégrée qui permettrait à tous les piétons de s’informer en choisissant leur mode de signalisation pour s’assurer de traverser en toute sécurité ? Avec une telle stratégie de signalisation innovante et audacieuse, une personne aînée ou à mobilité réduite pourrait obtenir un décompte numérique prolongé, une personne aveugle, choisir un signal sonore, ou une personne analphabète, identifier les noms de rue par message vocal. Montréal se distinguerait par cette approche d’accessibilité globale et intégrée offrant une signalisation et des aménagements piétonniers plus sécuritaires, mais surtout plus accessibles pour toutes et tous.

Source : https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2023-03-14/pour-une-signalisation-pietonne-globale-et-integree.php

 

4. Accessibilité universelle : le Théâtre du Rideau Vert relève le défi 

Le nouveau programme d’accessibilité universelle du Théâtre du Rideau Vert (TRV) a de quoi rendre d’autres établissements envieux. L’accessibilité aux évènements culturels pour les personnes ayant une incapacité auditive ou visuelle reste difficile à Montréal.

Lancé au début de l’année 2023, le nouveau programme d’accessibilité universelle du Théâtre du Rideau Vert s’est mérité la mention « coup de cœur » du Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain (RAAMM). Ce prix a été remis le 6 février dernier dans le cadre de la Semaine de la canne blanche, qui vise à sensibiliser la population à la déficience visuelle.

Le programme du TRV prévoit des mesures adaptées, entre autres, pour les personnes S/sourdes, malentendantes, malvoyantes ou aveugles. « S/sourde » est un nom collectif désignant à la fois les personnes s’identifiant à la culture Sourde et les personnes sourdes qui ne s’y identifient pas.

Ce programme s’est développé « en observant ce qui se faisait déjà ailleurs, en demandant des conseils entre nous, en allant chercher une rétroaction après chacune de nos actions », souligne la coordonnatrice du développement artistique et chargée du projet d’accessibilité universelle du Théâtre du Rideau Vert, Erika Malot.

Le Théâtre offre des représentations interprétées en langue des signes québécoise par des interprètes du Service d’interprétation visuelle et tactile.

Les interprètes sont placé(e)s devant la scène et traduisent le dialogue de la pièce. Chaque personnage sur scène est accompagné d’un(e) interprète. « Ce ne sont pas des acteurs, mais ils travaillent vraiment beaucoup en amont et donc, ils vont s’approprier quand même les personnages », explique Mme Malot.

Les personnes malvoyantes ou aveugles ont la possibilité de faire une visite tactile qui a lieu avant la représentation d’une pièce. Cette mesure adaptée permet aux personnes qui le désirent d’aller toucher le décor et les costumes afin de se faire une idée de ce qui se passera sur scène.

De plus, le TRV offre ses pièces en « théâtrodescription », une forme d’audiodescription réservée à l’art scénique.

Alain Renaud, responsable du comité culturel du RAAMM, n’a pas complètement perdu la vision. Il a récemment assisté à la pièce Gaz Bar Blues au Théâtre Duceppe. « Comme la pièce est très musicale et que les dialogues sont très rigolos, j’arrivais à bien suivre le tout, estime-t-il. Mais même si j’étais assis à la première rangée, je ne comprenais pas tout le décor, je ne le voyais pas assez bien ». M. Renaud espère, dans le futur, que le Théâtre Duceppe offrira des visites tactiles et de la théâtrodescription.

Des défis persistants

Marie Ayotte, directrice artistique et générale du Théâtre Déchaînés, une compagnie montréalaise de recherche, de production et de diffusion de théâtre accessible et inclusif, en demande plus. « Ce que fait le Théâtre du Rideau Vert ? C’est génial. […] Il était temps, et c’est fantastique. Est-ce que l’on est où on devrait être en matière d’accessibilité en 2023 ? Aucunement », revendique-t-elle.

Sa compagnie explore des moyens de rendre le théâtre accessible à des personnes vivant avec des déficiences ou des handicaps moins connus. Elle donne en exemple les personnes avec des troubles neurocognitifs qui, entre autres, ne peuvent pas nécessairement se rendre au théâtre : « comment on les rejoint, ces personnes-là ? », questionne Mme Ayotte.

Danielle Fouquereau, membre du RAAMM depuis 6 ans, considère qu’il y a beaucoup de travail à faire en ce qui concerne les activités culturelles visuelles, comme le musée ou le planétarium. « Pour les organisations, je pense que la déficience visuelle arrive en bas de leur liste. Puis quand ça arrive là, ils n’ont plus d’argent, ils n’ont plus de temps, ils n’ont plus d’énergie, ils n’ont plus rien. On est souvent oubliés », déplore-t-elle.

Pour le moment, Erika Malot s’efforce de faire connaître le programme d’accessibilité universelle du Théâtre du Rideau Vert en diversifiant les méthodes publicitaires et en offrant un tarif réduit. Le défi pour le Théâtre du Rideau Vert sera, au cours des prochaines années, de pérenniser le programme, qui a vu le jour grâce à une subvention gouvernementale non renouvelable.

Source : https://montrealcampus.ca/2023/03/12/accessibilite-universelle-le-theatre-du-rideau-vert-releve-le-defi/

 

5. Le transport adapté « recule de 20 ans » à Québec

Le Soleil | Simon Carmichael

Un ami vous invite à aller prendre un café. Vous montez dans l’autobus. On vous demande de justifier votre déplacement. Désolé, ce n’est pas « prioritaire », c’est refusé. De plus en plus souvent, c’est ce que vivent les usagers du Service de transport adapté de la Capitale (STAC), qui déplorent un « retour en arrière de 20 ans ».

« On s’est battu pendant des années pour ne pas avoir à justifier nos déplacements, lance Marie-Michèle Thériault. Mais là, on recule de 20 ans », laisse tomber la mère de deux enfants qui vivent avec un handicap, elle aussi à mobilité réduite.

En septembre dernier, elle s’était rendue au conseil d’administration du Réseau de transport de la Capitale (RTC) pour réclamer l’amélioration du service de transport adapté, qui fait lui aussi les frais de la pénurie de main-d’œuvre. Bonne joueuse, elle confirme avoir senti la sensibilité des élus à sa situation, et affirme même avoir remarqué des améliorations après la mobilisation.

Mais depuis quelques semaines, rien ne va plus. « Bris de service, bris de service, bris de service. Ce sont les seuls mots qu’ils ont en bouche! » explosait la dame sur les réseaux sociaux en début de semaine. Comme elle, plusieurs autres usagers estiment que l’offre du service du STAC se resserre, restreignant les personnes handicapées et à mobilité réduite dans leurs déplacements.

De plus en plus souvent, on refuse les demandes de transport qu’on ne juge « pas essentielles », soit qui ne sont pas liées à l’école, au travail ou à la santé. Pour aller prendre un café avec un ami, par exemple, il faut s’y prendre « des jours d’avance », déplore Mme Thériault. À moins de 48 heures d’avis, rien n’est certain.

« C’est malaisant de toujours devoir justifier ce qu’on s’en va faire. C’est comme si on nous maternait, qu’on devait demander la permission pour aller jouer aux quilles. »

— Marie-Michèle Thériault, usagère du STAC et mère de deux enfants handicapés

Et dans certains cas, il s’agit d’un enjeu de confidentialité, fait-elle valoir. « Si je m’en vais voir un psychologue et que son bureau est dans sa maison, je dois tout expliquer ça au téléphoniste, souligne Marie-Michèle Thériault. C’est une intrusion dans notre vie privée ! »

« Jamais quelqu’un qui entre dans l’autobus doit justifier son déplacement, pourquoi est-ce que les personnes handicapées oui ? […] Pourquoi est-ce que je dois me préparer et me mettre à genoux quand j’appelle pour sortir ? » demande-t-elle.

Les escaliers de secours

Le directeur du Regroupement des organismes de personnes handicapées de la région de la Capitale-Nationale (ROP-03), Olivier Collomb d’Eyrames, en convient. Lui aussi remarque une dégradation des services du STAC. Si la situation ne s’améliore pas depuis des années, dans les dernières semaines, l’insatisfaction est plus que présente, assure-t-il.

« J’ai l’impression d’être en 2004 pour la qualité du service, quand on avait 100 plaintes par année, juste à l’organisme », relate-t-il.

L’intervenant explique qu’en concertation avec les organismes communautaires, le RTC et le STAC ont mis sur pied une « grille de priorisation » pour le transport adapté. Un plan de contingence qui fait office « d’escalier de secours » pour les urgences, illustre M. Collomb d’Eyrames.

Cette grille définit des activités prioritaires pour lesquelles on s’engage à fournir un transport. Elle inclut tous déplacements liés au travail, à la santé ou au boulot. On n’y retrouve pas les voyages à l’épicerie, les loisirs ou les visites familiales par exemple.

Mais, pénurie de main-d’œuvre oblige, les téléphonistes du STAC s’y fient de plus en plus, même hors de l’extraordinaire.

« La sortie de secours devient la sortie de tous les jours. La grille a été faite pour des situations d’urgence, pas pour le quotidien. »

— Olivier Collomb d’Eyrames, directeur du ROP-03.

Collomb d’Eyrames refuse toutefois de jeter la pierre aux employés du STAC ou à ses sous-traitants. « Ce n’est pas de leur faute, mais malheureusement, ce sont eux qui sont au bout du fil, résume-t-il. Et quand ça fait quatre personnes qui te disent que tu brises leur journée, ça ne doit pas être motivant et aider à la rétention de main-d’œuvre. »

La bonne volonté des organismes

Sa collègue Véronique Vézina, elle aussi directrice au ROP-03, témoigne également des problèmes qui touchent le transport adapté à Québec. Et devant ce qui devient un défi du quotidien pour les usagers, les organismes d’aides ont décidé de prendre des bouchées doubles pour venir en soutien au STAC.

Mme Vézina, bien impliquée, préside également l’Association récré-active des handicapés visuels. Quelques fois par mois, elle organise des journées d’activités et de rencontres. Depuis peu, pour assurer la présence des membres de l’Association, elle s’occupe elle-même de placer les réservations au STAC. « On n’a jamais fait ça avant », confie-t-elle.

Pour chaque activité, la bénévole doit enfiler une quarantaine d’appels auprès des usagers pour confirmer leur présence et pour prendre rendez-vous pour eux avec le transport adapté. Une tâche répétitive — et nouvelle — qui gruge plusieurs heures chaque semaine.

« On accepte de soutenir [le STAC] et de les aider, mais c’est un plaster. Ce n’est pas quelque chose qu’on veut continuer de faire », insiste-t-elle.

« Je veux qu’ils comprennent que c’est une béquille, une solution temporaire parce que le système est blessé. »

— Véronique Vézina, présidente de l’Association récré-active des handicapés visuels

Et Mme Vézina n’est pas la seule à s’offrir en béquille. Plusieurs organismes tentent de soutenir le transport adapté par diverses manières, explique Olivier Collomb D’Eyrams. « On ne chiale pas en ne faisant rien, souligne-t-il. Je vois des gens qui essaient, des associations qui s’organisent et une industrie [du taxi] qui tente de se prendre en main.

« Tout notre milieu essaie de défendre notre service, et je suis fier de voir que les associations participent malgré leurs propres défis. Si le milieu ne faisait pas d’efforts, on serait dans une situation encore plus critique », affirme M. Collomb D’Eyrams.

Québec supplié de revoir le modèle

Invité à réagir, le Réseau de transport de la Capitale (RTC), responsable du STAC, affirme « être conscient des impacts sur la clientèle ».

« Comme pour le transport en commun régulier, le transport adapté fait face à différents problèmes présentement, dont la pénurie de main-d’œuvre qui touche l’ensemble de l’industrie », indique la conseillère en relations publiques Raphaëlle Savard.

L’organisme paramunicipal souligne également avoir répondu à « 100% des demandes de déplacement » depuis le 18 janvier, et à « 97% des demandes entre le 25 février et le 4 mars ». Ces statistiques n’incluent toutefois pas les déplacements refusés à la source, qui ne sont simplement pas enregistrés dans le système de réservations.

Tout en soulignant ses récents engagements pour le transport adapté, notamment un investissement annuel supplémentaire de 1,7 M$, le RTC met sur la sellette le gouvernement provincial.

En octobre 2022, la présidente du conseil d’administration, la conseillère Maude Mercier-Larouche, indiquait que le STAC vivait « plus que des défis opérationnels » et que « c’est tout le modèle du transport adapté qui doit être revu ».

Un constat partagé par tous les intervenants rencontrés par Le Soleil, qui pressent le gouvernement Legault de mieux financer le transport adapté. En vue du budget du Québec du 21 mars prochain, plusieurs mémoires ont été déposés réclamant un réengagement du gouvernement provincial dans le transport adapté.

Preuve de l’importance de l’enjeu, le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec a intitulé le sien La crise du transport adapté a assez duré. Le mémoire est co-signé par huit pages d’organismes communautaires.

« Lorsque l’offre de transport adapté fait défaut, c’est l’égalité des chances qui est compromise, c’est la Charte [des droits et libertés de la personne] qui est bafouée, tonnent-ils. Il s’agit d’une crise, elle est grave et elle frappe durement les personnes handicapées. »

Source : https://www.lesoleil.com/2023/03/13/le-transport-adapte-recule-de-20-ans-a-quebec-6bfb55829bf4f2bc35f1a150df06b80d

 

6. Violence conjugale: les femmes en situation de handicap oubliées

Les femmes en situation de handicap victimes de violence conjugale sont « totalement oubliées » quand vient le temps de lutter contre celle-ci, dénonce la présidente du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), Linda Gauthier. Pourtant, elles risquent trois fois plus d’en être victimes et sont plus vulnérables que les femmes n’ayant pas de limitation, rapporte-t-elle.

« Il y a 21 ans, j’ai moi-même été victime de violence conjugale, confie la militante. Je n’en ai jamais parlé publiquement, mais si c’est ce que ça prend pour qu’on soit prises au sérieux, je vais le faire. »

Pendant 14 ans, elle est restée coincée dans une relation où il y avait beaucoup de violence psychologique, alors qu’elle perdait sa mobilité. Impossible de quitter son partenaire. Elle ne gagnait que 600 $ par mois, et elle devait transférer ce montant dans son compte de banque à lui.

« Si je voulais m’acheter une paire de bas, je devais lui demander la permission. » – Linda Gauthier, présidente du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec

Elle se souvient d’un accident de voiture l’ayant menée à l’hôpital. Elle était saine et sauve, mais sa voiture était perdue. Pour la punir, son mari l’a ignorée, refusant de lui adresser la parole pendant trois semaines. Mme Gauthier était dépendante financièrement et physiquement d’une personne qui abusait d’elle.

La goutte qui fait déborder le vase

C’est une infolettre, dont Métro a obtenu une copie, qui a causé un ras-le-bol chez la présidente du Regroupement pour l’inclusion. Envoyée à plusieurs organismes en amont du 8 mars par le secrétariat de la Condition féminine (SCF), elle communiquait le lancement d’une campagne publicitaire visant à sensibiliser la population au sujet de « la violence conjugale sous toutes ses formes ».

Aucune mention des femmes en situation de handicap ne s’y trouvait.

« Pourtant, on vit plus de violence conjugale, parce que notre situation fait qu’on est plus vulnérables. Le monde s’imagine que comme on est handicapées, on est aussi asexuées, qu’on n’a pas de conjoint, qu’on ne fait pas l’amour et qu’on ne vit pas de violence conjugale. Alors qu’on a une vie normale comme tout le monde. » – Linda Gauthier, présidente du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec

Lors d’une discussion avec des représentants du gouvernement, la semaine dernière, le regroupement a tenté de faire rectifier le tir. « Ils nous ont dit que c’était trop tard pour cette année, qu’ils n’y avaient pas pensé. » La question que se pose la militante est la suivante : comment le gouvernement peut-il oublier ou ignorer l’enjeu, alors qu’il en connaît l’existence ?

C’est « afin de ne pas marginaliser des groupes de population », que le SCF aurait choisi de de ne pas illustrer spécifiquement certains contextes de vulnérabilité, « le message [privilégié] demeurant que la violence conjugale peut toucher tout le monde ».

Le RAPLIQ a obtenu, en 2020 et 2021, 10 182$ sur deux ans pour un projet d’évaluation des besoins en adaptation des maisons d’hébergement. Il assure également avoir financer un autre projet d’un autre organisme dans l’année financière 2022 et 2023. Il ne spécifie pas le montant investi.

Ce n’est pas suffisant, martèle Mme Gauthier. La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes n’en ferait également pas assez pour aborder publiquement cet enjeu, ou pour assurer une accessibilité universelle à ses ressources. Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, lui, « commence à en faire plus ». Mais ce ne serait encore une fois pas suffisant.

Ces deux organismes n’ont pas répondu aux questions de Métro.

Linda Gauthier se dit démoralisée devant le peu de soutien et de visibilité qu’obtient sa cause, qu’elle a l’impression de porter à bout de bras.

Emmanuelle Champagne, une maman à mobilité réduite, a les mêmes inquiétudes. En 2019, elle a survécu à une agression sexuelle commise par un homme qu’elle fréquentait. Après qu’elle l’eut laissé, il lui a envoyé des clichés sur lesquels il posait avec des armes à feu. « J’ai tellement fait de démarches pour avoir une place dans un centre d’hébergement, pour dormir en sécurité », se souvient-elle. En vain.

En plus de se heurter à un manque de place, elle a été confrontée à des centres n’étant ni inclusifs ni accessibles. Étant tout de même autonome, elle a dû monter des marches et effectuer des tâches douloureuses et difficiles à accomplir dans sa situation.

Une vision du féminisme qui dérange

L’approche du gouvernement envers les femmes en situation de handicap ayant subi de la violence conjugale rappelle à Linda Gauthier les propos de la ministre responsable de la Condition féminine Martine Biron, rapportés par Le Devoir. L’intersectionnalité ne serait pas la vision du féminisme adoptée par le gouvernement.

« Si c’est ça, sa vision du féminisme, Martine Biron n’est pas à sa place. » – Linda Gauthier, présidente du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec

« On n’arrête pas de nous dire que la sécurité des femmes est importante, mais on nous oublie, critique Emmanuelle Champagne. J’aurais pu devenir une statistique de féminicide, et ce n’est pas parce que je ne suis pas allée chercher de l’aide. Ça aurait été parce qu’on m’en a refusé. »

L’Office des personnes handicapées du Québec souligne s’être engagé, en collaboration avec le secrétariat de la Condition féminine, à réaliser un portrait statistique de la violence entre partenaires intimes vécue par les femmes avec incapacité. « Ces travaux sont en cours », fait-on savoir.

« Le peu de statistiques sur le sujet témoigne d’une ignorance et d’un je-m’en-foutisme », interprète Linda Gauthier. Les statistiques les plus récentes de Statistique Canada, transmises par l’Office des personnes handicapées du Québec, datent de 2014.

Source : https://journalmetro.com/societe/vivre-ensemble/3023295/femmes-violence-conjugale-situation-handicap-oubliees/

 

7. La vie de Maryse Glaude-Beaulieu, au-delà de la cécité

Radio-Canada | Maryse Glaude-Beaulieu aide les jeunes atteints de cécité à développer leur plein potentiel.

Transcrire des textes en braille. Créer des images tactiles. Dans le cadre de son travail, Maryse Glaude-Beaulieu aide les jeunes atteints de cécité à développer leur plein potentiel. Ce défi, elle le connaît bien, étant elle-même aveugle depuis l’âge de six mois.

Maryse Glaude-Beaulieu est venue au monde prématurément, après 21 semaines de grossesse. Les médecins ont dit que je serais sourde, muette, que je ne marcherais jamais, que j’aurais un retard intellectuel sévère, une paralysie cérébrale, énumère la technicienne en appui en cécité et basse vision au Consortium Centre Jules-Léger, à Ottawa.

Seule sa vision a été affectée, au final, même si la femme de 45 ans compose aussi avec une légère paralysie cérébrale du côté droit de son corps.

« Depuis ma tendre enfance, le braille est mon moyen d’écriture et de lecture. Je suis allée à l’école dans les années 1980. L’audio est arrivé beaucoup plus tard, [alors] c’était le braille ou rien. »

— Une citation de Maryse Glaude-Beaulieu, technicienne en appui en cécité et basse vision

Vivre dans un monde de voyants

Tous deux enseignants, sa mère et son père se sont battus pour que leur fille ait accès à une éducation adaptée à ses besoins. Il n’était toutefois pas question qu’elle étudie dans une école spécialisée.

La seule école qui existait à l’époque était loin de chez moi, et l’école était anglophone. J’aurais été pensionnaire et j’aurais probablement perdu mon français, relate la native de la péninsule de Niagara. Ma mère a participé à l’élaboration du projet de loi 82 [en Ontario], qui stipulait que tous les élèves en situation de handicap [devaient recevoir] des services spécialisés dans leur école de quartier et dans la langue de leur école de quartier.

Ainsi, elle est la première francophone en Ontario à avoir reçu ces services en français, souligne Maryse Glaude-Beaulieu.

« Mes parents voulaient que je sois dans un milieu de voyants, parce que j’allais vivre dans un monde de voyants. »

— Une citation de Maryse Glaude-Beaulieu, technicienne en appui en cécité et basse vision

Son parcours l’a ensuite menée à étudier en musique – sans envisager une carrière dans ce domaine, notamment parce que les partitions en braille sont très difficiles à avoir -, puis en traduction et en éducation à l’Université d’Ottawa.

Inspirer les jeunes à rêver grand

Aujourd’hui, l’Ottavienne souhaite inspirer les jeunes atteints de cécité, avec qui elle travaille au quotidien, à poursuivre leurs rêves.

« Il y en a beaucoup qui pensent à leurs carrières, alors j’essaie vraiment de parler avec eux, de leur dire : “Tu peux tout faire. Tout est possible.” »

— Une citation de Maryse Glaude-Beaulieu, technicienne en appui en cécité et basse vision

Cette dernière n’a jamais laissé son handicap la freiner.

Je ne me suis jamais fâchée. J’ai vraiment misé sur mes forces. Je ne me suis pas dit : “Je ne pourrai jamais faire ça”. Même quand j’ai fait ma maîtrise en éducation, c’était un peu épeurant parce que je n’avais jamais enseigné, mais j’ai plongé, je l’ai fait et je l’ai réussi, conclut-elle.

Avec les informations de Jhade Montpetit

Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1962052/maryse-glaude-beaulieu-cecite-aveugle-entrevue

 

8. Daniel Roy : le ski de fond pour se sentir libre

Daniel Roy est membre du RAAMM depuis 25 ans. Il nous parle de sa passion pour le sport, plus précisément pour le ski de fond.

« J’ai toujours aimé le sport depuis que je suis très jeune. J’ai grandi à la campagne et on s’amusait avec les voisins et les amis. On faisait de la raquette, du patin à glace et de la traîne sauvage. Mon père faisait une patinoire en arrière de chez nous et il y avait aussi une côte pour glisser.

Quand j’ai perdu la vue subitement, le sport et l’activité physique m’ont aidé à rester à la surface. C’est là que j’ai découvert le ski de fond. J’ai commencé à en faire autour de 1988-1990 avec l’ASAMM.

Pour pratiquer ce sport, je suis toujours accompagné d’un guide. Habituellement, les sillons sont tracés en double, donc mon guide est à ma gauche et il m’indique au fur et à mesure ce qui s’en vient dans notre parcours. Il doit me donner des indications assez précises des dénivellations et des tournants. On utilise une échelle de 1 à 5 pour mesurer le niveau de difficulté des côtes et l’horloge pour indiquer le degré d’une courbe.

Au moment de descendre une côte, on s’arrête en haut et il me dit si les sillons sont bien tracés. Quand c’est le cas, je garde un ski dans le sillon et l’autre est en chasse-neige.

Lorsque je dois descendre une côte complètement en chasse-neige parce qu’il n’y a pas de sillons, mon guide va en avant de moi, et il dit “bla bla bla” tout au long de sa descente afin que je puisse me diriger au son de sa voix. Je le suis de très près. À tout moment, s’il dit “stop”, il faut arrêter immédiatement. Bref, les consignes sont très importantes.

Photo de Daniel Roy

On va un peu partout, dans différents centres de ski. On en a fait plusieurs dans le coin de Montréal et ailleurs au Québec ; on est allé au camp Mercier, à Lac-Mégantic et en Gaspésie. Personnellement, je suis rendu au niveau intermédiaire avancé, mais je respecte toujours le niveau de mon guide. S’il ne se sent pas à l’aise, on fera des pistes moins avancées et ça me va très bien comme ça. Souvent, on part tôt le matin, on apporte un lunch et on revient vers 16h. Ça fait vraiment des belles journées !

Mon défi cette année, c’est de me remettre en forme. En 2018, je m’étais blessé à la hanche, donc j’ai perdu du cardio et de la souplesse. Je me suis rééquipé à neuf cette année, et j’en ai fait juste une fois cet hiver. Mais je remonte la pente tranquillement.

Le ski de fond c’est un sport très facile quand on a la technique, ce sont surtout les jambes qui travaillent et le cardio. Le but n’est pas de trop se pousser, mais de s’amuser. On va à notre rythme et c’est toujours agréable.

Perdre la vue d’un coup sec, ce n’est pas évident. Mais la vie ne s’arrête pas là. Quand je fais du sport, je me sens libre. Je n’ai aucune crainte, je ne pense pas à mes responsabilités. Ça permet d’oublier les problèmes du quotidien, de mettre les bobos de côté et de ne pas être absorbé par ça.

Je trouve ça toujours encourageant de voir des personnes non voyantes qui font des activités. On peut commencer par des exercices à l’intérieur pour retrouver une certaine forme, par exemple le Gym tonique ou les ateliers de Pilates du RAAMM. Et ensuite, l’ASAMM est un beau milieu pour se mettre au sport extérieur ; ils sont bien formés et peuvent rassurer ceux qui ont certaines craintes. Tout se fait de manière sécuritaire et graduelle. En ski, par exemple, on commence par des trajets faciles. Petit train va loin ! »